No time to die - Louise x Rose (date à venir)

No time to die

Ce sont les mains moites que je vois défiler les paysages. Je rentre chez moi. Ces paysages, je les connais par cœur. Un an que je ne suis pas revenue. Un an que je suis restée cloitrée entre les murs des Blackwood. Ce voyage, ce retour au source, je le mérite plus que quiconque. Et pourtant, je n’y vais même pas pour me détendre. J’y vais dans le but de récupérer ce qui pourrait sonner la fin de ma réputation. J’y vais, car un tout petit objet pourrait me compromettre si celle qui le détient décide de le porter.

Le train s’arrête en gare et c’est le cœur battant que je vois non loin le Majordome de la maison m’attendre sur le quai. Il n’a pas changé, et pourtant, je sens que son regard sur moi est différent. Il semble embarrassé, tout comme je le suis. Il ne sait plus comment s’adresser à moi. Il se contente juste de me dire « bienvenue chez vous Madame. » Il ne sait plus mon nom de famille. Ayant repris Hasting après la mort de Timothy, je ne sais plus désormais comment l’on doit s’adresser à moi. Lady Hastings ? Lady Blackwood ? Il est réapparu dans ma vie au moment où je m’y attendais le moins. Mon époux est vivant. Je ne suis plus veuve. Peut-on me traiter de lâche d’être partie seulement deux jours après le retour du fils prodige. Mais je ne pouvais pas rester. Le voir, m’imaginer à nouveau partager ma vie avec lui… impensable.

Et August, pauvre August… Je ne lui parle plus depuis que nous avons appris la nouvelle. Je ne veux pas le faire souffrir, car je vois bien qu’il a mal, autant si ce ne serait plus que moi. Nous souffrons d’un mal différent. Lui, de voir son amour s’envoler, moi de devoir le retrouver.

La voiture s’arrête et je vois tous les domestiques alignés devant la grande porte. Maman s’y trouve, tout comme papa ainsi que Violet et Arthur. En parlant de lui, il a tellement grandi. Mon regard se pose instantanément sur une femme brune. La femme de chambre de ma sœur, anciennement mienne. À présent, elle appartient à une autre. Je ne lui souris pas, mais je ne peux que constater qu’elle est toujours aussi belle. Je frémis en me rappelant nos ébats. Je l’ai longtemps gardé à mon service et je sais que le choix de la laisser partir a été un coup dur pour tous les domestiques Blackwood. Mais elle ne pouvait rester, je ne pouvais pas prendre le risque qu’elle me compromette.

Sauf qu’en lui laissant cette broche, j’ai moi-même fauter.

- Maman, papa, Violet, Arthur, je suis ravie de vous revoir. Je vous rejoindrai plus tard pour le thé, je dois d’abord me changer, le voyage à été éprouvant. Ma femme de chambre n’a pas pu se joindre à moi, car voyez-vous, elle est souffrante. Mais je suis sûre que Violet ne verra pas d’inconvénient à ce que Louise s’occupe également de moi ?

Je souris à ma sœur, un sourire faux qu’elle prend plaisir à me rendre. Je fais signe à la domestique de me suivre. Mon visage reste figé jusqu’à ma chambre que je ferme à clef derrière moi. Je me retourne vivement vers celle qui a un jour partagé ma couche et grogne :

- Dis-moi que tu l’as toujours.

No time to die

Louise n'est évidemment pas passée à coté de la grande nouvelle : Miss Rose devait s'en revenir à la maison ce jour. Lady Mary n'a cessé de le rappeler à tout le personnel depuis plus d'une semaine, et aboyé des ordres de-ci de-là pour préparer sa venue avec la plus grande minutie.
Aujourd'hui, cela avait été un véritable branle bas de combat général de serviteurs afin que tout soit résolument parfait pour le retour de la fille tant aimée. Partout dans la maison s'étaient bousculés les domestiques pour épousseter les étagères et les luminaires, faire resplendir les tableaux et cadres photographiques de Lady Rose. Les commis de cuisine étaient affairés depuis l'aube pour préparer un dîner des plus somptueux composé des mets les plus raffinés et préférés de Lady Rose. Les jardiniers avaient été convoqués pour redonner un coup de fraîcheur au domaine qui n'en demandait pas tant, ravivant les rosiers, symbole de l'ainée Hastings.

La toilette de Lady Violet faite, Louise avait été naturellement assignée à la supervision de la préparation de la chambre de Lady Rose en compagnie de la blanchisseuse et de la bonne. En sa qualité d'ancienne femme de chambre, elle était la mieux placée pour connaître les goûts et les manies de son ancienne maîtresse. Bien évidemment, Lady Violet était très mécontente du manque d'attention de Louise ce jour-là et ne cessait de venir la réclamer pour diverses besognes ridicules. Et Louise de lui répondre, toujours avec le plus grand respect, mais sans s’embarrasser de faux semblants. - Tout de suite Lady Violet. Je n'y manquerais pas, Lady Violet. J'y vais de ce pas, Lady Violet. Bien entendu, Lady Violet. Oui, Lady Violet....

A l'heure prévue d'arrivée de la voiture de Lady Hastings-Blackwood, tous les domestiques se devaient d'interrompre leurs offices pour venir saluer la nouvelle arrivée. Alignés tous devant la porte, derrière la famille Hastings, ils assistaient avec plus ou moins d'hypocrisie suivant les personnes aux effusions des retrouvailles entre les nobles. Quand Rose fit part de sa volonté de réquisitionner Louise à son service, cette dernière ne manqua pas de parler en coin, en direction du valet de sir Edgar d'un ton blasé. - Évidemment, m'occuper de Lady Violet ne me laisse absolument pas déjà sur les rotules que je dois m'occuper d'une ex-veuve en plus. Une réplique faite à voix basse, mais certainement pas assez basse pour ne pas avoir été perçue par des membres de la grande famille. Lady Violet en pouffa de rire dans ses gants de soie.

En soit, s'occuper de Lady Rose ou Lady Violet n'avait guère d'importance pour Louise, et elle savait très bien que l'exigence de Lady Violet ne lui laissait de toute manière déjà que peu de temps personnel. Comme on ne lui avait encore jamais appris à rallonger la durée d'une journée, elle ne pourrait avoir plus de travail à s'occuper de deux femmes que d'une seule. Et elle devait tout de même avouer que Lady Blackwood s'était souvent montrée moins exigeante et plus ... généreuse ... que Lady Violet. Son service fut plus agréable, si l'on pouvait dire cela.
Quand Lady Rose lui fit signe de la suivre, Louise jeta évidemment un regard interrogateur vers Lady Violet pour savoir si elle en avait bel et bien la permission. Le regard agacé de celle-ci lui enjoint que oui, et elle emboita le pas de Lady Rose jusqu'à sa chambre de jeune fille. Son visage était demeuré impassible, conditionné par des années de service pour cette famille, elle avait appris à ne pas trahir ses émotions au travers de son faciès, à défaut de savoir tenir sa langue pour garder ses pensées. - Je suis moi aussi ravie de vous revoir, Milady. J'espère que Milady a fait bon voyage et n'est point trop épuisée. Railla t-elle au manque de politesse de sa nouvelle ex-maitresse.

Bien sur qu'elle savait de quoi elle parlait. La broche, ce petit bijou, le seul que Louise eut jamais eu à elle dans toute sa jeune vie, que Lady Rose lui avait offert le soir où elle lui a pris sa virginité. Louise l'avait conservé, caché, comme un beau souvenir, un peu triste. Elle avait bien pensé le vendre plusieurs fois, sa valeur lui aurait permis aisément de s'offrir des vêtements du dimanche de bonne facture, mais elle s'était toujours ravisée. La signification de cette broche était trop précieuse à ses yeux : Rose n'était pas seulement celle qui l'avait défleuri, elle était encore à ce jour la seule personne avec qui Louise a partagé une couche, même si cela faisait bien longtemps maintenant. Faisant semblant de ne pas comprendre ce dont Lady Rose lui parlait, Louise continua à railler son manque de délicatesse. - Je peux faire préparer un bain à Milady si celle-ci ressent le besoin de se délasser, je me souviens que celle-ci préfère la mousse à senteur de rose. Vous désirez une servante en plus dedans ou ce ne sera pas la peine cette fois ? La pique n'était pas innocente, Louise était surement bien plus vexée qu'elle ne l'aurait voulue. Elle n'était pas attirée par les femmes et ne s'était jamais faite d'illusion, mais se faire ainsi remplacer aussi facilement par la personne qui a ravi son pucelage l'avait fortement attristé.