For now and forever - Rove - 03/01/1920

On lui a demandé de monter. Elle l’a fait sans rechigner, ses pieds ne trainant pas dans l’escalier. Elle garde également un visage figé, avec un sourire flou aux lèvres. Il ne monte pas jusqu’à ses yeux, toujours aussi ternes depuis la mort de sa mère.
Dove sait que rien ne remplacera cette présence maternelle dans sa vie. Elle redoute néanmoins la suite de son existence, sans les conseils avisés de cette femme trop souvent malmenée. Elle aurait voulu en apprendre davantage avant de la perdre. Elle aurait souhaité pouvoir profiter de sa présence, de son aura plus longtemps. Il en a été autrement.

Elle se trouve donc devant cette chambre, son tablier bien serré autour des hanches, ses cheveux tirés à quatre épingles, avec la tête bouillonnante de questions qui ne trouveront jamais de réponses. Elle n’hésite pas, ne se fige pas avant de frapper trois légers coups à la porte de sa nouvelle maîtresse.

La jeune femme est au courant. De tout. Des rumeurs. De la vérité. Des mensonges enrobés d’humour de moquerie. Elle sait fait la part des choses entre ce qu’on lui a raconté pour l’effrayer et ce dont elle devra réellement se méfier. Elle attend juste de voir à quelle sauce on va vouloir la dévorer.

En revanche, elle n’attend pas pour pousser le battant et dire d’une voix douce et extrêmement posée :

— Vous m’avez sonnée, ma Lady ?

Rose Hastings n’a jamais dû la voir dans les couloirs. Avant, elle n’était qu’une simple bonne et sa couleur de peau ne lui a pas valu le plus d’attention de la part des plus grands. Seul Lord Hector semble s’intéresser à elle. Il est le seul également à connaître la vérité. Ce n’est donc pas étonnant qu’il pose les yeux sur elle, là où les autres membres de la famille ne remarque qu’une simple vermine à éradiquer.

Cela a sûrement dû faire un choc à l’héritière Hastings, de savoir qu’elle serait maintenant à son service. De quoi la souiller véritablement. La pauvre, les rumeurs sont déjà très répandues, cela ne va pas aider son cas. Néanmoins, il est facile de supposer que la jeune Rose ne voudra plus poser ses yeux sur ses servantes, ainsi. Dove pourrait presque redorer la vision de sa maîtresse auprès des autres.

Après tout, qui ici voudrait poser ses mains sur une femme comme elle ? A part des hommes infâmes, prêts à souiller toutes celles qui ne peuvent rien contre eux…